NARCISSUS Series, 2005.
3 photomontages, Rag bright white inkjet pigment print on 310g mat paper, h30 x 45 cm and 20 x h27 cm.
Edition of 5 + 3 artist copies.
Series complemented by a text (see below) and published in online review Tales Magazine #4 “Mythology”, Paris, 2010.
“Narcisse” (in French), in Tales Magazine #4 “Mythologie”, Paris, 2010.
1 image, 10 images, 100 images, 1000 images … Combien d’images sont-elles nécessaires pour se représenter le monde ? Intense débat dans lequel la Cellule de Crise de La Petite Industrie de l’Image Sensorielle ® s’échauffait encore et pour la nième fois. Sur la table, c’était encore ce vaste océan de particules photographiques qui livrait son étrange reflet dont il fallait décrypter le message. Des zones luminescentes et des zones d’ombre s’alternaient. De quel principe de codification le motif général était-il issu ? Quelle main invisible avait ainsi redistribué les données collectées ? La Cellule de Crise ne pouvait se contenter du simple chaos présent; elle ne savait cependant pas encore comment organiser sa représentation. Un système, une matrice, un algorithme, un programme informatique, une formule magique ? Combien d’entrées, de sorties, de paramètres et de mystérieuses inconnues ? Quel contraste, quelle cartographie des textures ? Les équations possibles étaient si nombreuses ! Les analogies également… Le jeu infini des traductions et des équivalences heureusement serait toujours imparfait. Le positif et le négatif, l’inversion des infinis, le dehors vs le dedans, le noir et blanc vs les couleurs, les courbes vs les angles, le mot vs le chiffre, la qualité vs la quantité, le concept vs la matérialité, le présent vs l’au-delà. Les axes dialectiques forment un système labyrinthique dont l’issue reste un mystère.
La surface plane aux mille éclats opérait comme un miroir dans lequel ne cessaient de circuler des correspondances, des liens ou des jumelages, voire des dialogues, comme autant de possibles narrations. L’association, le lien de cause à effet comme l’induction, formaient des chaînes d’histoires. Chacun pouvait y trouver son compte et le débat ne serait jamais clos. Dans l’océan des images, la dynamique des trajectoires dessinait des vagues, parfois des éclaboussures, ou même de fabuleux scintillements propres à faire naître l’émerveillement, la fascination voire l’angoisse…
La Cellule de Crise de La Petite Industrie de l’Image Sensorielle ® restait perplexe, un peu ahurie, devant cette étendue photographique aux reflets hypnotiques.
Élargie au cas général, cette incertitude ressemblait à celle que le monde affrontait face à la prolifération des images démultipliées. Par tous les moyens, l’humanité ne s’observe-t-elle pas sous toutes ses coutures dans l’éternel espoir d’y puiser un sens, une identité, une vérité, une finitude ? Obsédée par elle-même, elle garde les yeux rivés sur les écrans-miroirs qui sans cesse lui échappent, débordent ou s’évaporent comme une eau fluide et incontrôlable. Éther addictif, le fluide photographique inonde le monde, y répand son virus névrotique et paralysant. La quête de vérité chute dans un ténébreux précipice. Derrière l’aplat photographique se cache une obscure caverne, un globe oculaire si peu cristallin.
Bizarrement, la situation devenait plus claire au sein de La Cellule de Crise; il fallait réagir, ne pas se laisser méduser, reprendre la main, passer à l’acte… La seule issue possible était de broyer les éléments photographiques pour s’éloigner de la quête du sujet; briser le miroir; chercher autre chose dans cette mer artificiellement vivante; y puiser les éléments de base nécessaires à la synthèse d’une autre espèce; ré-articuler les particules élémentaires dans l’oubli de leur origine; s’évader du monde, démissionner de sa représentation; chercher le trou noir, s’y glisser avec joie pour basculer dans l’autre espace, les abîmes de l’océan photographique; y façonner un écosystème photosynthétique; créer un autre monde avec sa faune et sa flore artificielle… En voici les premières éclosions !!