Série « Dating Images », 2005.
4 montages photographiques, impression pigmentaire Rag bright white sur papier mat 310 g. Dim : 20 x 26 cm. Edition de 5 + 3 exemplaires d’artiste.
Série accompagnée d’un texte (ci-dessous). Non publié.
« Dating images », 2005.
Il faisait chaud hier à La Petite Industrie de l’Image Sensorielle ®. Sous le vent brûlant de l’été, un groupe d’images silencieuses, allongées là tranquillement, avait soudain commencé à frémir. Les mouvements collectifs étaient réguliers et produisaient un son faible, répétitif et monotone. Soumise à une température exceptionnelle, la matière photographique se réveillait après des années de gel, et retrouvait simplement son pulse naturel. Agglomérée, la fourmilière d’images grouillait dans son amas, sans que rien ne s’en échappe.
Mais alors que le vent maintenait un souffle quasi-mécanique et nourrissait l’espace d’une dynamique constante propre à entretenir la vie, la configuration générale commençait sensiblement à se métamorphoser. En s’étalant légèrement, le petit monde avait l’air de s’être assagi, mais 4 groupes réduits et plus agités s’étaient détachés aux périphéries de l’ensemble, et modifiaient lentement l’équilibre systémique. Des germes de mélodies se faisaient entendre dans leurs vibrations; parfois une phrase égarée laissait imaginer que peut-être une histoire mystérieuse se cachait sous ce tas.
De cet amoncellement de gravats photographiques que La Petite Industrie de l’Image Sensorielle ® conservait depuis si longtemps, se dégageaient 4 groupes animés avec, par hasard ou non, la particularité de contenir des traces de corps humains, contrairement au reste du tas de briques photographiques au contenu bien plus inerte. Le tas d’images ressemblait à une ville-image éteinte dont s’échappaient quelques morts-vivants.
C’était donc 4 petites familles-fantôme incarnant des fossiles de vie humaine, glacée dans du papier depuis bien longtemps, qui tentait de reprendre vie, à leur manière d’image cette fois-ci.
Ces années de sommeil n’avaient pas totalement endormi leur instinct de survie et cet instant caniculaire ouvrait littéralement une chance de se reproduire et d’ancrer leur vie d’image dans le temps. Ce jour, immédiatement perçu comme une fenêtre vers l’éternité, était donc une chaleureuse invitation à fricoter, et le bruit des frictions auxquelles les images photo-animées s’adonnaient, malgré leur âge incertain, n’étaient en rien équivoques.
Par groupe de 6, les images flirtaient les unes avec les autres, s’emmêlaient dans des tourbillons d’air chaud trouble, fuyaient ou cherchaient tour à tour le regard. Chacune tentait sa chance, munie de son bagage génétique crypté et de la petite histoire de ses origines.
Parfois l’une se montrait en intégral et émettait de fabuleux éclats, tandis qu’une autre se repliait timidement en veilleuse dans son coin. La parade collective prenait l’allure d’une chorégraphie insolite dont on n’était pas sûr de saisir le sens, y aurait-il même une fin ? Pour le moment, c’était comme si les images, par groupe de six, se jaugeaient les unes les autres, se cherchaient des correspondances, des affinités de couleur et de goût… nos histoires sont-elles complémentaires ? parlons-nous le même langage ? nos paysages mentaux ont-ils la même envergure ? nos épidermes sont-ils compatibles ? … tout cela ressemblait bel et bien à une blind-date d’images, tactile, collective, charmante, bavarde, un peu cacophonique et ahurissante… L’issue du spectacle devenait de plus en plus intrigante et on se demandait vraiment où allaient, où voulaient en venir ces images animées …
Mais avant qu’un quelconque augure apparaisse, le vent cessa d’un coup. Le silence se fit plus rapide qu’un flash. Les images avaient en un instant retrouvé leur état solide; plus rien ne bougeait; mais un nouveau fossile au motif inconnu était toutefois apparu. L’élan d’amour et l’instinct de réplication que ce vent chaud avait produit dans La Petite Industrie de l’Image Sensorielle ®, avaient bizarrement porté leurs fruits et donné naissance en un si bref instant à 4 images poly-clones prêtes à se démultiplier et à voler de leurs propres ailes au gré des pages qui voudront bien les emporter.